Comme attendu, le quatrième trimestre a été ardu pour les professions d’ARTEMA qui ont dû affronter des baisses de commandes. Le carnet remonte un peu mais reste en zone négative tout comme les prévisions pour les trois prochains mois. Les facturations font les montagnes russes et résistent mais le soufflet retombe au mois de décembre.
Malgré un dernier trimestre subi et sans nouvel élan, 2023 est une bonne année pour nos professions et dépasse en valeur une année 2022 déjà correcte. Bien entendu, il est important de garder en tête que les chiffres d’affaires ont été portés en partie par les hausses des prix et ne reflètent pas toujours une augmentation de l’activité réelle.
Les chiffres d’affaires qui résistent, empêchent le pessimisme de gagner du terrain.
L’analyse lexicale des commentaires des différents groupes professionnels est très instructive : même en décembre, la conjoncture est jugée par les industriels de « calme » « maussade » « morose » « flat ». Mais pour autant, pas de drame, pas de vocable comme « crise » « dépression », ou « chute ». Même le mot « baisse » est peu utilisé quand on parle de conjoncture globale et reste pour l’instant circonscrit à qualifier l’évolution des commandes.
Les voyants sont au rouge
Les indicateurs en France annoncent une dégradation de la conjoncture industrielle : l’indice PMI des acheteurs pour le secteur manufacturier affiche en décembre un score de 42,1 soit le plus mauvais score depuis mai 2020, il augmente légèrement en janvier avec 43,1 mais reste faible. L’Indice souligne notamment la forte baisse des nouvelles commandes. L’indicateur synthétique du climat des affaires dans l’industrie de décembre de l’INSEE repasse, lui, en dessous de sa moyenne de longue période pour les biens d’équipements (machines, équipements électriques) pour la première fois depuis décembre 2020. Il se situe bien en dessous de sa moyenne de long terme pour l’alimentaire et seule la fabrication des autres moyens de transport (hors auto) est en nette croissance. En janvier, le climat des affaires dans l’Industrie reste stable.
Sans négliger les avertissements de ces indicateurs, il est également crucial de ne pas tomber dans une spirale pessimiste qui servirait une défiance néfaste pour les nouvelles commandes. Les investissements qui tardent et se font rares dépendent directement de la confiance globale, une confiance dépendante des grands indicateurs de conjoncture nationaux.
Il faut raison garder
Car pour autant, quand on regarde les industries mécaniques qui figurent parmi nos principaux clients, la situation n’est pas si mauvaise avec +7% en cumul sur 10 mois. Certes, les secteurs clients n’ont plus la vigueur de l’année dernière. Bonne nouvelle : l’aéronautique surperforme toujours ainsi que le nucléaire et la défense.
L’année 2023 en automobile a été bonne en immatriculations tant en France qu’en Europe mais les commandes sont en retrait de 9% en France, ce qui inquiète les fournisseurs.
De moins bonnes nouvelles apparaissent : deux secteurs réputés solides ne le sont plus : l’agroalimentaire n’est plus à la fête, loin de là. Fin octobre, la production de l’année était à -2% en volume ce qui est du « jamais vu » en 20 ans pour un secteur traditionnellement très stable.
Le machinisme agricole (les tracteurs, les moissonneuses batteuses, le matériel de traite…) n’est également plus porteur. En janvier 2024, l’indice européen est passé de -48 à -50 points (sur une échelle de -100 à +100). Il n’y a pas un seul marché européen globalement positif pour les prévisions dans ce secteur client important de nos professions.
La construction navale civile et militaire se porte bien, avec un carnet plein jusqu’en 2027. La chimie devrait être juste en croissance cette année grâce à la cosmétique et aux produits d’hygiène.
Les machines de production sont attendues à +2% en valeur grâce à l’export. Pour les équipements de manutention, les industriels restent plus optimistes et voient +5% en valeur.
Les risques pour 2024 et les points à surveiller
La grande inquiétude qui domine pour la croissance du marché français en 2024, repose sur un secteur : le bâtiment qui vit une pleine récession.
La crise ne concerne malheureusement pas que le logement neuf mais également le non résidentiel neuf. L’activité bâtiment qui devrait terminer à -0,6% pour 2023 est attendu à -5,5% (en volume) cette année soit une perte de 90 000 emplois dans le secteur. Normalement, l’entretien-rénovation qui pèse plus de 50% de l’activité, permet de limiter les pertes. Mais cet effet risque de diminuer cette année en raison notamment de la réforme de « MaPrimeRénov’ », une aide gouvernementale destinée aux particuliers pour les inciter à mener des travaux d’isolation.
L’effet domino du bâtiment
La récession du marché du bâtiment fait trembler un grand nombre de secteurs qui en dépendent directement ou indirectement.
Les travaux publics sont vus à -1%. Il faut savoir aussi que du 15 juin au 15 septembre 2024, en prévision des Jeux Olympiques et des jeux paralympiques, les chantiers à Paris seront stoppés ce qui représente un gros manque à gagner.
Les équipements pour le bâtiment et les travaux publics, les équipements pour la construction (grues, pelleteuses, compacteurs…) viennent d’annoncer une diminution des ventes des équipements de -10% à -15% pour 2024 (en unités).
Le secteur du bâtiment compte sur l’Etat pour intervenir et relancer l’activité.
Dans ce contexte, l’objectif global pour les professions d’ARTEMA sera donc bel et bien de réaliser une année stable en volume ce qui serait déjà une belle performance surtout qu’un deuxième risque menace avec les défaillances d’entreprises qui augmentent.
Les défaillances grondent
La France a enregistré avec 16 800 défaillances un des pires quatrièmes trimestres en 30 ans mais 2023 reste « loin des référentiels de crise historique » rappelle Altares. Le nombre de défaillances est en augmentation de 35,8 % par rapport à 2022. Au-delà d’un simple retour à la normale post-covid, les défaillances s’accélèrent. Altares souligne également que c’est le contexte de « permacrise » (la crise permanente) qui affecte les entreprises et qui explique le seuil de défaillances élevé.
Le raz de marée attendu n’est pas encore présent mais on s’en approche.
La désinflation se poursuit
C’est un point positif. L’inflation qui a animé 2022 et 2023 ralentit, et laisse place à la désinflation. En décembre, l’inflation est de 3,7% sur un an, ce qui donne pour 2023 une inflation moyenne à 4,9% après 5,2% en 2022. On espère retourner entre 2 et 3% en 2024, si le prix de l’énergie ne remet pas en cause ces prévisions.
Un contexte géopolitique brûlant
4ème et dernier point : le contexte géopolitique est très anxiogène et ses possibles retombées sur l’économie mondiale font peur.
- La production industrielle chinoise a retrouvé sa tendance d’avant crise mais la question de l’immobilier demeure. (PIB +5,2 % en 2023).
- L’Allemagne reste dans une situation économique compliquée, le PIB allemand s’est contracté en 2023 (-0,3 %). Le pays vit une récession annuelle.
- Les conflits au Moyen-Orient, la guerre entre l’Ukraine et la Russie, les tensions en Mer Rouge (qui commencent déjà à se faire sentir avec quelques pénuries) tendent dangereusement le climat géopolitique mondial.
- Plus de 4 milliards de personnes vont vivre des élections, ce qui représente presque 60% du PIB mondial.
- Aux Etats-Unis, les résultats des élections présidentielles pourraient avoir un effet immédiat sur l’issue de la guerre entre l’Ukraine et la Russie, sur le conflit au Moyen-Orient et sur la rivalité économique avec la Chine.
- Les politiques monétaires et l’évolution des taux directeurs de la BCE et de la FED sont à surveiller.
Nous sommes dans une phase de ralentissement global où la croissance mondiale n’est plus au-dessus des 3%. Elle est attendue entre 2,4% et 2,8% cette année.
D’une manière générale, les écarts de prévisions de croissance restent encore larges selon les organismes privés ou publics, ce qui témoigne d’un haut degré d’incertitude ambiante. Le FMI vient de réviser à la baisse sa prévision France de 1,3 à 1% (le 28 janvier). Une croissance pour la France autour de 0,7%, 0,8% serait une prévision raisonnable.